Article sur Le mécénat territorial

Le CAUE relaie l'article "Comment aider les petites communes à se saisir du mécénat territorial ?" publié le 22 mai 2019 par Localtis


Le mécénat territorial est très prisé des collectivités en quête de financements complémentaires, pour la rénovation du patrimoine notamment. Il est aussi une voie intéressante pour renforcer le lien au territoire des habitants et des entreprises locales. Mais comment le rendre accessible à des petites communes, aux besoins multiples mais en manque de visibilité et d'ingénierie ? Les sénateurs ont pu en débattre le 9 mai 2019 avec les ministres des Collectivités territoriales et de la Culture.

Eglise romane en AuvergnePlanifié avant l'incendie de Notre-Dame de Paris, le débat sur le mécénat territorial qui a eu lieu le 9 mai 2019 au Sénat a pris une acuité particulière du fait du montant exceptionnel des dons recueillis en un temps record pour la reconstruction de la cathédrale. "Loin devant la collecte du loto du patrimoine, cet élan de générosité intervient après un certain nombre d’années de forte baisse des ressources publiques consacrées au patrimoine, dont l’entretien et la restauration reposent en grande partie sur les communes", a souligné en préambule le sénateur Claude Malhuret (Les Indépendants, Allier).

Les collectivités seraient "propriétaires de la moitié des 44.000 immeubles historiques protégés", a rappelé Sébastien Lecornu, ministre des Collectivités territoriales. Ce dernier a ainsi estimé que le mécénat territorial "a été encouragé ces dernières années par l’ampleur du chantier de rénovation à conduire".

Dégager de la trésorerie pour de coûteuses réhabilitations
L'enjeu serait donc avant tout financier pour les petites communes, dans un contexte de réduction des moyens dont elles disposent. "Le mécénat vient combler ce manque à gagner, même si c’est à la marge", a considéré Eliane Assassi (communiste, Seine-Saint-Denis). Or, "une réhabilitation est difficile et coûteuse. Les petites communes rurales n’ont que des priorités, compte tenu de la modestie de leur budget", a souligné Jérôme Bignon (Les Indépendants, Somme).

Toutefois, selon Claude Malhuret, "alors que les collectivités territoriales n’hésitent plus à lancer des campagnes de souscription pour acquérir une œuvre, rénover un monument ou contribuer au financement des initiatives citoyennes, il serait dommage de voir dans le mécénat territorial un simple moyen de compenser la baisse des concours de l’État, évaluée à 9,6 milliards d’euros depuis 2014".

Les collectivités y verraient également une façon de renforcer une forme d'ancrage et d'implication citoyenne des entreprises et des habitants. Quelques opérations jugées emblématiques ont été citées : la "Folle journée de Nantes" - qui aurait "permis de lever 2,8 millions d’euros en 2015" -, la plateforme "locale et solidaire" de financement participatif "Jadopteunprojet.com" en Nouvelle-Aquitaine – où l'on peut "soutenir des projets variés, du financement d’ateliers intergénérationnels au développement d’une marque d’artisans et de producteurs régionaux" -, le mécénat au profit du musée des Beaux-Arts à Tourcoing…

Renforcer l'attrait fiscal du mécénat local pour les PME
"La mise en place de démarches structurées de mécénat fait encore figure d’innovation au sein de nombre de collectivités, en particulier en milieu rural", a toutefois relativisé Corinne Féret (socialiste, Calvados). La sénatrice a mis l'accent sur les besoins en matière d'entretien du patrimoine religieux des petites communes, s'interrogeant sur la façon de professionnaliser les acteurs et de "renforcer l’attractivité du mécénat territorial".

Sur le volet attractivité, les ministres des Collectivités et de la Culture ont mis en avant le rehaussement par la loi de finances pour 2019 du plafond de défiscalisation applicable aux petites et moyennes entreprises (1). Le gouvernement entend ainsi encourager davantage de PME à donner au titre du mécénat, alors qu'un rapport de la Cour des comptes de novembre 2018 a pointé la forte concentration de cette dépense fiscale sur les très grandes entreprises.

Autre possibilité qui pourrait être remise à l'ordre du jour pour inciter davantage de PME à réaliser des dons au profit de leur territoire d'implantation : la déduction du don de la taxe locale. L'idée avait été soumise en 2016 par le sénateur Jean-Pierre Leleux (LR, Alpes-Maritimes), lors de l'examen du projet de loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP), a rappelé Antoine Lefèvre (LR, Aisne) ce 9 mai 2019. Franck Riester, ministre de la Culture, s'est dit ouvert à la reprise de cette réflexion.

Faciliter l'appui en ingénierie des petites communes
Autre difficulté pour les petites collectivités : le manque d'ingénierie pouvant freiner nombre d'entre elles à se lancer dans une démarche de mécénat ou les obligeant à avoir recours à des prestataires privés, se privant ainsi d'une partie des ressources collectées. Sébastien Lecornu a évoqué deux pistes pour y remédier. Tout d'abord, un assouplissement de la loi Notre, "au nom de l'ingénierie territoriale", pourrait permettre aux départements d'apporter leur soutien en la matière. Deuxième piste : sécuriser et simplifier la mise à disposition de personnel entre collectivités, si par exemple la commune-centre d'une agglomération a parmi son personnel des ingénieurs en bâtiment qui pourraient intervenir dans d'autres communes.

Interrogé sur la possibilité d'apporter des ajustements au fonds de dotation, "véhicule juridique privilégié par les collectivités" selon Stéphane Artano (RDSE, Saint-Pierre-et-Miquelon), le ministre en charge des Collectivités a plutôt décliné cette idée et renvoyé à des dérogations déjà possibles – afin de permettre notamment à la collectivité à l'initiative du fonds de l'abonder également pour couvrir des frais de fonctionnement. D'une façon générale, le ministre a insisté sur la nécessité de stabiliser un environnement législatif, réglementaire et fiscal qui aurait fait ses preuves.

 

Caroline Megglé
Photo Eglise romane en auvergne - Richard DAMORET/REA

 (1) Pour les entreprises, cette réduction fiscale est désormais plafonnée à 10.000 euros, ou toujours 5 ‰ (5 pour mille) du chiffre d'affaires annuel hors taxe, si ce dernier montant est plus élevé.

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